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EXTRAIT du texte de Jean-Louis Sagot-Duvauroux

« Pour la gratuité »

 

« Le marché nous fait déconsidérer ce qu’il ne valorise pas lui (la marchandisation de tout) et en plus il s’amuse avec les mots… (…) Il change le sens des mots à son profit privé.

« Ce que TF1 vend à Coca-Cola,

c’est du temps de cerveau humain disponible »

Le marché est en train de réussir son OPA sur les mots (…) Nous assistons déjà à la privatisation du langage.

Alors, réduit à ses fonctions de séduction, le langage cesse d’être la place publique où nous élaborons le sens de nos vies et de notre histoire. Il ne permet plus la transmission (…) et l’échange de nos vérités. Il n’est plus là que pour la danse du ventre.

Nous sommes bons pour occuper nos week-ends à pousser nos caddies en silence et les remplir avec tout ce que nos cerveaux télécommandés prennent pour la clef du bonheur.

 

Approchez ! Approchez !
« Pour 5 paquets achetés, le 6ème est… gratuit ! »


Le mot gratuit, c’est dans les supermarchés qu’on le voit le plus !

Approchez ! Approchez !
Moyennant 80 euros par personne, plus le voyage, l'hôtel et les coca-cola qu'il faut boire pour ne pas se faire remarquer, toutes les attractions d'Eurodisney sont gratuites.
Gratuites également les émissions de TF1 !
Gratuites également les émissions de M6 !
Gratuite la contemplation des images publicitaires sur les murs des villes.

Sauf qu'à un moment ou à un autre, dans l'opacité la plus complète, chacun de nous paye en même temps que son paquet de lessive une larme de reality show ou l'éclat de rire monté sous un sitcom, contribuant en prime et sans l'amorce d'un consentement, à financer (…) la plus unilatérale, (et) la moins scrupuleuse (…) des propagandes : celle qui par l'invasion de la publicité directe et son poids sur la programmation des primes times télévisés proclame à longueur de journée l'évangile du salut par l'argent.

 

Jean-Louis Sagot-Duvauroux, auteur de « Pour la gratuité »